Publié le 19 juillet 2022
[Illustration : George Sand, Paysage imaginaire, 19ème siècle, Aquarelle, Paris, Musée de la Vie Romantique, Collection en ligne, Paris Musées ]
Retours sur l’atelier participatif n°1 de la journée de recherche-action du 19 mai 2022 (Mêtis /AFXR). L’atelier a été animé par Bruno Airaud (coordinateur et programmiste du projet du Familistère de Guise) et Sylvie Carlier (réalisatrice et productrice chez Animaviva Productions).
Cet atelier visait à faire dialoguer les différentes professions impliquées dans le développement d’un projet de valorisation d’un patrimoine culturel, pour faire émerger les bonnes pratiques, les défis, les éventuels freins, et de mettre en évidence les leviers de collaboration et les solutions pour que le projet soit structurant pour l’institution et ses publics visés. Cet article se fonde sur la restitution qui a été faite par les animateurs de l’atelier. Il synthétise les idées et les questionnements qui ont été évoqués par les participants, au cours de l’après-midi.
I – Le Familistère de Guise, et le projet VR : « Le Palais » : une présentation en trois aventures.
I – 1. Une incroyable aventure patrimoniale
Le Familistère de Guise se situe dans le nord de la France, dans l’Aisne.
Au milieu du XIXe siècle, André Godin est capitaine d’industrie et créateur de la société des poêles en fonte. Dans le débat réel virtuel, A.Godin a créé la plus grande expérience coopérative connue et durable qui se compose à son acmé, d’une galaxie de 500 appartements, de 2000 personnes et qui a existé de 1880 à 1968. Il a créé un palais social à la campagne. Cette expérience concrète vient d’un projet utopique, il s’est inspiré du Phalanstère de Fourier, une utopie socialiste du 19e siècle. L’utopie littéraire est devenue réelle. A. Godin a créé une utopie concrète, elle fut une réalité pendant près de 80 ans.
I – 2. Une aventure muséale, et la rencontre avec AnimaViva Productions
La deuxième aventure commence lorsque le Familistère de Guise devient un musée en 2000. Ce musée va rencontrer une équipe qui s’appelle AnimaViva Productions, pour faire de la production de vidéo, créer et développer des vidéobalades et des petits spectacles, des shows multimédias en immersion. Cette collaboration renvoie à un projet plus global : la façon de faire de la communication et de mettre le public en immersion.
I – 3. Une aventure qui renvoie le projet réel du Familistère vers le virtuel
La troisième aventure s’engage dans la continuité de cette collaboration : le producteur propose au Familistère de monter un projet de réalité virtuelle sur cette utopie sociale qui, elle, part du virtuel pour aller au réel … Le challenge dans cette collaboration consiste à retourner vers le virtuel. Comment André Godin, a construit le sens de son projet réel ? C’est ce que le projet de réalité virtuelle : « Le Palais » a pour ambition de montrer et de faire vivre aux visiteurs du Familistère.
Ce petit jeu sémantique intéressant interpelle le conservateur et l’équipe du Familistère qui met en œuvre ce projet de valorisation.

II – Le projet de réalité virtuelle : Le Palais – bonnes pratiques, défis et freins, leviers et solutions pour l’institution, la production et la diffusion.
II – 1. Pour l’institution
II- 1.1. Les bonnes pratiques
Du point de vue de l’institution, on se rend compte que dans les bonnes pratiques, il est une chose essentielle pour les professionnels de l’institution : avoir une ouverture à la réalité virtuelle en tout premier lieu. Et plus d’une ouverture, il est nécessaire faire une veille active :
- que peut-on faire ?
- qu’est-ce qu’on ne peut pas faire ?
Il y a de souvent de l’ignorance de ce point de vue-là, et en tout cas, Bruno Airaud précise que l’équipe du Familistère ne savait pas grand-chose lorsqu’AnimaViva a proposé d’aller vers ce projet.
Ensuite, il est important que l’institution soit claire sur ses objectifs :
- quels contenus ?
- quels publics visés ?
- quel est le sens ?
- quelle est/ quelles sont la ou les promesses ?
Le demandeur, le commanditaire doit faire un vrai travail en profondeur, en connexion très proche avec le producteur.
II – 1.2. Les défis et les freins
Le premier point relevé ici reste valable pour tous les secteurs, soit :
- les problèmes de financement,
- et le problème de l’écoresponsabilité.
Ceux deux dimensions sont partagées avec les équipes de production et les équipes de création, et elles doivent être prises en compte tout au long de la diffusion.
Un autre point important a été relevé par le partenaire de l’UNESCO, qui a rappelé la notion d’accès au patrimoine. La réalité virtuelle est un outil formidable pour le patrimoine matériel et immatériel, à la fois pour ses possibles relations au proche, mais aussi pour ses relations possibles au lointain. Cela constitue un enjeu majeur à la création d’un projet.
Une autre question s’est posée sur la marchandisation de la réalité virtuelle, y compris sur le NFT virtuel.
- L’achète- t-on ou pas ?
- Qu’est-ce que cela signifie ?
- Quels sont les rapports et les enjeux avec les cryptomonnaies ?
- Quel est son devenir par rapport à l’institution ?
Il y a également l’enjeu de l’autonomie de l’expérience de la réalité virtuelle. Le dispositif de réalité virtuelle permet-il de laisser le public dans une salle vidéo tout seul ou il faut encore considérer la présence de médiateurs ? S’il faut envisager la présence de médiateurs, cela signifie pour les exploitants – le musée ou l’institution – qu’il faut prévoir son économie d’exploitation. Et cela pose la question de l’économie même du projet en réalité virtuelle. Cela interroge le modèle économique, en termes de jauge et en termes d’exploitation. C’est un sujet qui est préoccupant dès le stade du prototypage. Avoir des sortes de modèles qui permettent de savoir, où, comment et pourquoi procéder, en investissement d’une part, en exploitation d’autre part, est un vrai enjeu pour les institutions.
II-1.3. Les leviers et des solutions
Dans les leviers et les solutions, il est important d’aller former les institutions et de leur donner des outils de connaissance et de formation, en embarquant dans le projet les médiateurs et toutes les équipes en interne qui s’y investissent.
II-2 . Pour la production
II-2.1 – Les bonnes pratiques
Les enjeux les plus importants comme pour tout projet se concentrent sur le scénario évidemment, mais aussi sur la narration. C’est un enjeu un peu différent pour la réalité virtuelle puisqu’il faut réfléchir autrement, en articulant le gameplay et des nuances de jeu plus ou moins marquées.
Les phases de tests sont aussi très particulières à la réalité virtuelle. Au fur et à mesure de l’avancée du projet, il faut tester, il faut rencontrer des publics, avec des prototypes successifs pour améliorer l’expérience. L’enjeu est notamment de tendre vers une autonomie, la plus grande possible pour le visiteur. En effet, plus c’est clair, plus il peut se débrouiller tout seul.
Les émotions, également sont au cœur de la réalité virtuelle. Cela a suscité beaucoup de débats au cours de l’atelier pour distinguer émotions et sensations. Cela constitue un des enjeux de de bonnes pratiques pour les producteurs de VR.
L’important, également réside comme il a été évoqué dans la bonne connexion entre les équipes de l’institution, le message que l’on souhaite transmettre aux visiteurs, aux publics et la production création. Cela passe par des étapes de validations successives, ce qui a été fait avec AnimaViva. Dans cet enjeu de la validation, il est fondamental de garder constamment à l’esprit que c’est la technique qui est au service du projet et non l’inverse. En gardant cela à l’esprit, en continuité, la technique est au service du sujet, du contenu et donc la scénarisation et la narration. Elle vient répondre au sens, à la promesse du contenu que l’on souhaite donner à nos publics.
II-2.2 – Les défis et les freins
Pour Sylvie Carlier, il s’agit surtout de relever des défis.
• Premier défi, bien sûr c’est le financement.
Cependant, il s’agit de le placer en balance avec les solutions. En effet, la chance en France, est d’avoir un soutien public à la création.
• Le sujet de l’écoresponsabilité :
Pour des programmes numériques, le problème est la consommation d’énergie, les problèmes de stockage, et des datas.
• Les échanges au cours de l’atelier a été l’occasion de parler d’expériences mémorables.
Cela a été résumé par d’autres termes, en évoquant la qualité de la création numérique, et le défi pour le producteur, mais aussi pour l’institution de laisser un souvenir mémorable aux visiteurs lorsqu’ ils s’en vont. Est-ce que cela ne repose pas tout simplement sur la qualité du programme et son adéquation avec les valeurs de l’institution ?
• Enfin a été abordée la problématique de l’expérience collective.
Dans une bonne partie des cas, les dispositifs de réalité virtuelle imposent une expérience individuelle. Doit-on envisager les configurations multi-utilisateurs qui permettent aux visiteurs de vivre l’expérience tous ensemble ? En effet, il est rare que l’on vienne seul au musée et lorsqu’on vient à deux, trois ou quatre, en tribu ou en famille, la réalité virtuelle peut casser l’enjeu de cette dimension collective de partage.
II. 3 – La diffusion
Les enjeux de la diffusion se posent différemment pour le producteur et pour l’institution.
• Un matériel adapté et résistant :
Pour ce qui est du matériel résistant, c’est l’un des enjeux de l’exploitant, comme pour tout matériel multimédia, pas uniquement pour la réalité virtuelle, parce que les visiteurs peuvent se révéler brise-fer. Il faudrait développer, comme cela existe pour le multimédia, des outils de consultation en réalité virtuelle, donc des casques plus solides, plus résistants, qui permettent de durer longtemps.
• Penser l’expérience des visiteurs au-delà de la création en réalité virtuelle :
En ce qui concerne l’expérience utilisateur, comme cela a été évoqué au fil de la journée, ce sont toutes les questions relatives à l’ «on-boarding » et à l’ « out-boarding ». Même s’il est nécessaire, voire indispensable, d’aller vers plus d’autonomie possible pour le visiteur au cours de l’expérience – ce qui nous fait revenir à la notion d’approche collective – il est intéressant de ne pas se contenter de l’expérience dans le casque, mais ensuite d’organiser peut être des échanges, des débats, des rencontres, de façon à ouvrir l’expérience à autre chose.
• La rétribution des ayants droit :
La rétribution des ayants droit est une problématique commune à l’institution et aux producteurs. Comment envisager le ticketting, comment sont partagées les choses ? Comment les bénéfices peuvent-ils profiter au lieu ? Dans le projet du Familistère, comment ces bénéfices peuvent profiter aux éventuels habitants, aux éventuelles populations locales ?
• Des solutions pour sortir de l’influence et du pouvoir des GAFAM :
Il s’agit également de trouver des solutions éventuelles pour tenter de dépasser l’influence et le pouvoir des GAFAM. Il a été évoqué le recours à des plateformes européennes, à des diffuseurs locaux.
Conclusion
Nous terminons cette intervention en évoquant un appel de David Nahon (président de l’association AFXR), au cours de l’atelier, qui nous invite à dire : « ayons des initiatives citoyennes innovantes », pour trouver des alternatives collectives et associatives.
Se regrouper pour trouver des solutions qui ne soient pas des solutions purement capitalistiques. Il faut croire aux initiatives citoyennes qui existent dans tous les domaines, pas uniquement liées à la réalité virtuelle.
Pour citer cet article : BALCON-FOURMAUX, Sophie. (2022). Le rôle de l’institution dans le développement de contenus XR culturels, stratégies de production et de distribution : challenges et solutions. Synthèse de l’atelier participatif n°1 de la Journée de Recherche-Action du 19 mai 2022., Metis Lab. Publié le 19 juillet 2022. Disponible sur :
metis-lab.com/2022/07/19/le-role-de-linstitution-dans-le-developpement-de-contenus-xr-culturels-strategies-de-production-et-de-distribution-challenges-et-solutions-synthese-de-latelier-participatif/
1 réflexion au sujet de “Le rôle de l’institution dans le développement de contenus XR culturels, stratégies de production et de distribution : challenges et solutions. Synthèse de l’atelier participatif n°1 de la Journée de Recherche-Action du 19 mai 2022.”