Publié le 19 juillet 2022
[Illustration : Mallardot, Bosgezicht, 1830 – 1870, Amsterdam, Rijksmuseum, Collection en ligne, Rijkstudio ]
Delestage, Charles-Alexandre / Guez, Judith
Cet atelier était consacré à la dimension émotionnelle des expériences artistiques immersives, dans une approche plus générale liée au design d’expérience lié à l’exposition de ces œuvres. Elle s’est déroulée en trois temps : présentation de travaux de recherches liés à la thématique de l’atelier, expérimentation d’une œuvre immersive puis retour des participants autour de cette expérimentation.
La première présentation a été faite par Charles-Alexandre Delestage. Il a d’abord rappelé que le design d’expérience s’entend au sens de la préfiguration de l’expérience des futurs usagers : cette expérience n’est pas a priori contrôlable, mais le contexte de l’expérience peut être anticipé, notamment sur le plan émotionnel. Cependant, la définition de ce que sont les émotions ne fait pas l’objet d’un consensus dans la littérature scientifique. La définition des émotions et des humeurs de (Yvart, 2019) a été présentée, cela qu’elle retient deux dimension principales : la valence hédonique et l’activation physiologique. En ce sens, il a été présenté l’outil d’indication émotionnelle Spot Your Mood (Yvart, Delestage, Leleu-Merviel, 2016). Cet outil permet à un individu d’indiquer son émotion sur un diagramme utilisant les deux dimensions citées précédemment (voir schéma ci-dessous).
Judith Guez a par la suite présenté ses travaux de recherche autour des installations artistiques immersives et interactives, et les apports théoriques de ses travaux. Elle a notamment évoqué son modèle de paliers de plongée. En référence au modèle de plongée sous-marine, celui-ci permet d’identifier comment le spectateur vit une expérience entre le réel et le virtuel, en passant par différentes présences dans des mondes virtuels ou mixtes. Ce modèle, en parallèle d’une réflexion sur la question de l’illusion comme moyen de travailler la présence du spectateur dans des expériences de réalité virtuelle et mixte, a été explicité par la présentation d’œuvres réalisées par Judith Guez. Enfin, une réflexion sur la mise en exposition d’une œuvre immersive et interactive a été menée : l’exposition de multiples œuvres dans un même espace est à penser comme un tout, dans lequel chacune de ses oeuvres entre en relation avec les autres. La création d’une exposition pourrait être comparée à une prise en compte de la mise en scène des spectateurs, comme une chorégraphie.
À la suite de ces présentations, il a été choisi que les participants de l’atelier fassent l’expérience de Notes On Blindness via l’application mobile proposée sur Android ou iPhone. Ce choix s’est justifié par la qualité de l’immersion sonore de cette ouvre, ainsi que la facilité d’expérimenter cette dernière lors de l’atelier (chaque participant avait été prévenu à l’avance de la télécharger sur son smartphone et d’amener ses écouteurs). Cependant, à l’exception d’une personne, l’application a rencontré des problèmes pour l’ensemble des participants. Ces derniers ont donc expérimenté Notes On Blindness dans sa version 360° disponible sur YouTube. Une différence majeure est notable entre ces deux versions : sur la version 360°, le son n’est pas spatialisé. Or, la spatialisation du son étant le principal levier d’immersion de l‘expérience, les retours des participants ont été fortement impactés par ce changement de dernière minute.
L’outil Spot Your Mood ayant été présenté plus tôt, ce dernier a été utilisé par les participants fin qu’ils indiquent leur humeur avant et après l’expérience. Cette donnée a été entrée dans un logiciel de visualisation (Delestage, 2022) (voir illustrations ci-dessous).


Le calcul des deltas entre les mesures avant/après permet d’indiquer l’évolution de l’humeur des participants à la suite de l’expérience. On constate que seul un participant a une évolution positive (valence positive, activation positive suite à l’expérimentation), correspondant au seul participant ayant pu utiliser l’application où le son était spatialisé. Le reste des mesure indique une évolution liée à une frustration, comme l’indique les verbatims récoltés par la suite.
Pour les retours des participants, ces derniers ont été menés de façon à recueillir leur expérience lié à Notes On Blindness, mais également autour d’une réflexion commune sur la mise en place de cette expérience dans une exposition. Tout d’abord, les problèmes techniques ont exprimé une certaine frustration, notamment dû au fait que le son n’étant pas spatialisé sur la vidéo 360°, il n’était pas « immersif », ni « transcendant ». Ce manque d’indications sonore sur là où se déroule l’action a mis à jour une « peur de louper quelque chose » chez les participants. De plus, le lieu où s’est déroulé cette expérience n’a pas été considéré comme adapté : pièce pas assez sombre (il n’était pas possible de complètement empêcher la lumière de rentrer dans la pièce), mais aussi le fait que tous consultent la même expérience de façon décalée mais dans la même pièce était considéré comme perturbant. Ces retours vont de pair avec l’analyse émotionnelle via Spot Your Mood décrite précédemment.
Autour de la mise en place de ce dispositif, les remarques précédentes ont été réinvesties pour souligner plusieurs pôles de vigilance. Déjà, bien que Notes On Blindness ait été consulté sur téléphone, les technologies comme la réalité virtuelle mais aussi la projection dans un espace collectif avec son binaural ont été proposées. Sur la question du lieu, la présence d’un médiateur pour installer les participants dans une salle calme et sombre a été évoquée, de façon à favoriser la « plongée » des participants dans de meilleures conditions pour profiter de Notes On Blindness. Des références d’expériences simulant le quotidien de personnes aveugles ont été évoquées en ce sens, comme celle présente au Futuroscope.

Ces réflexions ont montré l’importance du boarding et de l’outboarding de l’expérience, c’est-à-dire des conditions dans lesquelles se trouvent les participants avant et après l’expérience immersive. Dans un design d’expérience immersive, la prise en compte de ces conditions permet au visiteur de se préparer émotionnellement à l’expérience qu’il va vivre, mais aussi va lui permettre de mieux s’en extraire une fois celle-ci terminée. La présence de médiateurs au sein d’une scénographie pensée pour l’expérience immersive favorise les conditions de réception, et participe à la qualité de l’immersion de l’expérience proposée.
Références
DELESTAGE, Charles-Alexandre, 2022. SYM Viewer. Logiciel de visualisation des données de Spot Your Mood. En cours de développement.
GUEZ, Judith, 2015. Illusions entre le réel et le virtuel (IRV) comme nouvelles formes artistiques : présence et émerveillement [en ligne]. These de doctorat. Paris 8. Disponible à l’adresse : https://theses.fr/2015PA080109
YVART, Willy, 2019. Qualification (a)verbale de l’humeur musicale: nouvelles perspectives pour la synchronisation dans l’audiovisuel. pp. 911.
YVART, Willy, DELESTAGE, Charles-Alexandre et LELEU-MERVIEL, Sylvie, 2016. SYM: toward a new tool in user’s mood determination. In : Proceedings of the 2016 EmoVis Conference on Emotion and Visualization [en ligne]. Linkoping University. 2016. pp. 23‑28. Disponible à l’adresse : http://dl.acm.org/citation.cfm?id=3001319
Pour citer cet article : DELESTAGE, Charles-Alexandre, GUEZ, Judith. (2022). Émotions et réception artistique des contenus XR. Synthèse de l’atelier participatif n°4 de la journée de recherche-action du 19 mai 2022., Metis Lab, publié le 19 juillet 2022. Disponible sur :
metis-lab.com/2022/07/19/emotions-et-reception-artistique-des-contenus-xr-synthese-de-latelier-participatif-n4-de-la-journee-de-recherche-action-du-19-mai-2022/
1 réflexion au sujet de “Émotions et réception artistique des contenus XR. Synthèse de l’atelier participatif n°4 de la journée de recherche-action du 19 mai 2022.”