Publié le 19 juillet 2022
[Illustration : William Fox Henry Talbot, The pencil of nature, 1844, calotype, Chalon-sur-Saône, musée Nicéphore Niépce, Collection en ligne, Open Musée Niépce ]
Retours sur l’atelier participatif n°2 de la journée de recherche-action du 19 mai 2022 (Mêtis /AFXR). L’atelier a été animé par Stella Jacob (Game et narrative designer, consultante).
Cet atelier visait à mettre en lumière les réticences des potentiels participants à des expériences en réalité virtuelle et à y répondre en travaillant concrètement à des solutions pour accompagner les publics dans ces parcours. Ces solutions passent à la fois par le design d’expérience et par l’accompagnement humain autour de ces dispositifs.
Cet article se fonde sur la restitution qui a été faite de l’atelier en fin de journée par l’animatrice de l’atelier. Il synthétise les idées et les problématiques soulevées par les participants au cours de l’atelier tout s’inscrivant dans le travail de recherche au long court de Stella Jacob.
Introduction : les appréhensions des publics face à la réalité virtuelle
Le but de cet atelier était double :
Une première partie a consisté à détailler et (re)connaître les réticences des potentiels participants concernant les dispositifs de réalité virtuelle. Ces réticences sont fondées sur des connaissances des risques réels, mais elles sont également fondées sur des idées reçues. La seconde partie de cet atelier avait pour objectif d’analyser comment répondre à ces risques, et renseigner les publics sur ces problématiques.
I. Quels sont les risques ?
En utilisant la méthode des « post-it », les participants ont progressivement fait part de leurs appréhensions des risques liés à l’utilisation de la réalité virtuelle, il s’agissait ensuite de les classer et d’en dégager une typologie.
Différents domaines ont été évoqués :
- Les risques liés à la santé, notamment sur les questions optiques et visuelles.
- Les dangers sur le plan du psychologique, sur les dangers sociaux tout autant, puisque la peur de l’isolement fait partie, notamment des peurs où idées reçues autour de la réalité virtuelle.
- Ont également été évoquées : la question du confort et la question de la sécurité qui par exemple se manifeste dans la peur de se faire voler ses affaires, puisqu’on ne voit pas ce qui se passe autour de nous au cours de l’expérience.
Au-delà, trois risques sont souvent oubliés :
- Le risque écologique, risque lié à la question du matériel et son impact pour la planète.
- Le risque sur les questions de la protection des données personnelles et de la vie privée. En effet, aujourd’hui avec les technologies de réalité virtuelle, il est possible de récupérer énormément de données personnelles. Les questions sont : qu’advient-il de ces données ? Quel contrat a été signé avec le prestataire pour accéder à ces données ? Et est-ce qu’il y a une problématique à adresser quand on le montre dans un cadre public ? Est-ce qu’il y a quelque chose à signer ?
- Et finalement, le risque hygiénique : il est important de nettoyer les masques. Il y a des protocoles qui sont disponibles en ligne. Ce serait bête de contaminer ses voisins avec les différents virus et microbes qui circulent actuellement (cf. COVID ou conjonctivite …)
II. Quelles sont les réponses ?
Sommes-nous confrontés à un vrai risque ou est-ce une idée reçue ?
Nous bénéficions de réponses issues de la recherche sur lesquelles il est possible de s’appuyer.
Certaines réponses sont plutôt issues d’un consensus professionnel, dérivées des pratiques. Ensuite, certaines réponses sont vraiment liées aux contenus en réalité virtuelle, puisque d’un contenu VR à l’autre, les risques sont plus ou moins importants.
II. 1. Un point à part – la question des enfants et des jeunes : que pouvons-nous faire ou pas ?
Plusieurs choses vont impacter l’enfant, il existe plusieurs risques.
- En tout premier lieu, les enfants ne peuvent pas avoir une bonne expérience VR parce que le masque est trop grand.
- De plus, l’utilisation du casque de réalité virtuelle n’est pas recommandée par les constructeurs. Il en découle, en termes d’assurance, que l’utilisation du casque chez les enfants n’est pas assurée comme il le faut.
- Pourquoi est-il recommandé de ne pas permettre l’accès aux dispositifs de réalité virtuelle en dessous de 13 ans ?
Cela rentre dans le cadre des usages paradoxaux : certains enfants vont être très habitués à la réalité virtuelle alors que dans le cadre d’une présentation muséale, il est impossible de leur permettre d’accéder à ces contenus.
Il est très important d’avoir à l’esprit qu’à l’heure actuelle, on ne connaît pas l’impact de l’utilisation des casques de réalité virtuelle à long terme sur la formation de la vision.
Au-delà, il faut prendre en compte également les dimensions des contenus qui peuvent être inappropriés pour les jeunes publics.
De fait, 13 ans est l’âge qui semble le plus approprié aujourd’hui, en deçà, c’est un risque qu’on fait prendre aux enfants, même s’il n’y a pas de loi qui nous empêche de le faire, il n’existe que des recommandations.
II. 2. Un tableau qui recense les risques et les réponses adaptées
Ce tableau présente :
- Le risque identifié,
- L’effet potentiel,
- La durée de l’effet potentiel,
- Le type de risque (susceptible d’évoluer à l’avenir),
- Est-ce que cela a été prouvé et par qui ? Est-ce qu’on a une recherche sur le sujet qui adresse le sujet ?
- Et enfin, quelles sont les solutions ?
Nous pouvons avoir des solutions très pratico-pratiques. Nous prenons pour exemple le fait d’avoir peur de faire des chutes et de se blesser.
chute & blessures | court & long terme | Santé | Oui | Sécurisation de l’espace, murs éloignés, guardian, toucher l’épaule |
C’est un risque bien réel, avec des effets potentiels à court terme ou sur le long terme. Il possible de se faire un petit bleu et il est possible tout autant de se casser un pied.
Quelles sont alors les solutions ?
Il est nécessaire de sécuriser l’espace. Il est possible de présenter l’espace extérieur aux joueurs, tout en essayant de mettre le moins d’obstacles possible dans son passage. Le câble notamment, cela représente un vrai enjeu de mettre le câble en hauteur. Il est également envisageable mettre un « guardian » dans l’expérience, donc une espèce de limite virtuelle.
Et enfin, sur la question de toucher le spectateur pour pouvoir le recentre au bon endroit, on s’accorde sur le fait de dire qu’il faut toucher le moins possible le spectateur. Mais s’il faut le faire, ce sera plutôt sur les épaules.
Le tableau complet des risques et des solutions à l’état actuel des connaissances de Stella Jacob :



Conclusions
Stella Jacob envisage sa conclusion en ayant recours aux règles d’action des instructeurs secouristes, et organise son propos selon les trois étapes : protéger – alerter – secourir.
Protéger : en pensant au design du programme proposé, en « playtestant » les expériences avec des publics divers et variés.
Alerter : en proposant une communication en amont sur le site internet, en proposant des FAQ pour répondre aux angoisses existentielles des publics. Il est également conseillé de disposer panneaux à proximité du dispositif, par exemple sur les risques d’épilepsie.
Secourir : il est très important de former des médiateurs qui puissent faire beaucoup de choses, c’est-à-dire en général des médiateurs qui savent gérer la technique, mais aussi faire de la médiation culturelle :
- Il apparaît important de partager l’enthousiasme de la réalité virtuelle parce que cela participe à une bonne expérience pour le participant.
- Ensuite, si les médiateurs savent apporter les premiers soins, c’est toujours une bonne chose.
- Et s’ils savent communiquer aussi sur la réalité virtuelle dans sa technologie, c’est un point positif.
Les médiateurs sont vraiment le facteur humain sur lequel il est possible de se reposer pour réduire les risques et pour s’assurer que tout le monde ait une bonne expérience.
Les ouvertures
Des points qui ne sont pas forcément adressés dans le tableau, mais qui sont importants à prendre en compte dans l’appréhension des visiteurs participants :
- La question du prix joue évidemment ;
- Il se peut que les participants ressentent un petit sentiment de voyeurisme dans les mondes virtuels.
- Il arrive également que les participants aient une appréhension liée à la peur de l’enfermement physique. Le fait d’avoir un masque sur la tête et de ne pas savoir si on a le droit de l’enlever peut être un facteur de stress et d’anxiété.
- La question du harcèlement, notamment sexuel dans le monde virtuel. Si vous avez des questions sur ce sujet, Stella Jacob a réalisé une thèse professionnelle sur ce sujet, elle est l’une des références dans ce domaine.
- Enfin, la question de la vision de ce que la réalité virtuelle représente. Considérée comme quelque chose qui n’est pas sérieux et qui ne mérite pas d’attention. Ce sont des appréhensions qui sont difficiles à adresser encore aujourd’hui parce que la réalité virtuelle mélange un peu tout ce qu’on a pu voir auparavant : une peur de non-maîtrise technique, une peur de ne pas comprendre et une peur de l’inconnu.
Ces diverses appréhensions sont tout aussi intéressantes à détricoter.
Pour citer cet article : BALCON-FOURMAUX, Sophie. (2022). Accompagner les publics dans la découverte de la réalité virtuelle : appréhension du risque. Synthèse de l’atelier participatif n°2 de la Journée de Recherche-Action du 19 mai 2022., Metis Lab, publié le 19 juillet 2022. Disponible sur :
metis-lab.com/2022/07/19/accompagner-les-publics-dans-la-decouverte-de-la-realite-virtuelle-apprehension-du-risque-synthese-de-latelier-participatif-n2-de-la-journee-de-recherche-action-du-19-mai-2022/
1 réflexion au sujet de “Accompagner les publics dans la découverte de la réalité virtuelle : appréhension du risque. Synthèse de l’atelier participatif n°2 de la Journée de Recherche-Action du 19 mai 2022.”