Publié le 14 avril 2023
[Illustration : Anonyme, Eventail brisé, entre 1870 et 1880, Paris, Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris, Collection en ligne ]
Creton, Caroline
La conférence a été animée par Caroline Creton (chercheuse associée en Sciences de l’Information et de la Communication à l’Université catholique de l’Ouest) et par Julie Pasquer-Jeanne (maîtresse de conférences à l’Université catholique de l’Ouest en Sciences de l’Information et de la Communication).
Les intervenantes étaient : Allison Guiraud (doctorante à l’université d’Avignon), Alexandra Dromard (Cheffe du département des publics au Centre des monuments nationaux de Paris) et Lydia Labalette (administratrice et responsable du numérique au Château des ducs de Bretagne de Nantes).
La séance a été organisée autour de questions-réponses pendant deux heures environ après la présentation des intervenantes.
Tout d’abord, nous apprenons que les musées déploient différents supports de médiation tels que des podcasts ou des visites virtuelles. Les professionnels travaillant au sein des institutions culturelles ont plusieurs missions :
- veille scientifique (cette veille est indispensable, puisqu’elle leur permet de se renseigner sur des évolutions (ex : en matière de pratiques) et donc de s’assurer qu’ils ne passent pas à côté d’informations importantes) ;
- proposer aux visiteurs des dispositifs pertinents. Pour cela, ils identifient avant de mettre en place un dispositif leurs attentes et leurs besoins. Ils prennent également en compte le coût du dispositif qui les intéresse.
Puis, la thèse d’A. Guiraud nous est présentée. La doctorante a catégorisé les acteurs et leurs modalités d’action dans le domaine de la culture. Ces acteurs sont des institutions, des entreprises et des entremetteurs/intermédiaires (ex : salons). A. Guiraud a analysé les stratégies d’industrialisation, de standardisation et de positionnement des agences. Ces dernières cherchent à répliquer des outils (ex : logiciels) dans différents sites patrimoniaux, ce qui leur permet de diminuer leurs coûts de production. Elles tiennent aussi différents discours :
- discours technique (les entreprises proposent leurs produits aux institutions culturelles)
- discours commercial (les agences promettent à leurs clients d’augmenter la fréquentation de leurs sites, par exemple en attirant plus de jeunes)
- discours sur le patrimoine (ici, des agences grandes ou anciennes mettent en avant des compétences axées sur la médiation culturelle).
Ensuite, les stratégies des institutions ont selon la doctorante évolué : il y a quelques années, on observait une injonction au numérique (ex : dans des salons), contrairement à aujourd’hui (les institutions culturelles réfléchissent sur les dispositifs numériques qu’elles vont mettre en place à des fins de médiation : ces outils doivent durer le plus longtemps possible, ils doivent correspondre aux valeurs des institutions et ne pas être trop énergivores, les agences qui les produisent doivent offrir des garanties, …). De plus, A. Guiraud a identifié différentes tendances (ex : de 2010 à 2015, les applications mobiles étaient très utilisées ; pendant la pandémie du Covid-19, de nombreuses institutions culturelles ont produit des visites virtuelles, etc).
Pour continuer, Mme Dromard a évoqué les différents partenariats entre les agences et les institutions culturelles :
- mécénat de compétences
- choix d’un prestataire après la rédaction d’un cahier des charges
- partenariats avec de grandes entreprises (ex : en 2017, une collaboration entre le château d’Angers et Google a eu lieu pour numériser une tapisserie et réaliser un film de cinq minutes environ qui a été projeté trois murs. La projection visait à encourager les visiteurs à observer plus attentivement la tapisserie).
- réalisation de visites guidées à distance pour des projets pédagogiques, pour attirer de nouveaux visiteurs, etc.
Par la suite, L. Labelette a rappelé qu’il était nécessaire de faire des études de marché et d’être accompagné si cela est nécessaire (ex : par un service juridique pour ne pas être contraint en matière de réglementations). Elle a aussi rejoint sa collègue en parlant des différents partenariats entre les agences et les institutions culturelles. Puis, elle a expliqué qu’il était parfois possible pour une institution culturelle de mobiliser des compétences en interne. De surcroît, elle a mentionné une évolution du marché culturel : de grandes entreprises implantées depuis quelques années sur certains territoires adaptent leurs produits aux besoins des institutions et des structures plus petites proposent plus sur du sur-mesure et des offres plus détaillées.
Mme Dromard a ensuite répondu à la question comment gérer une grande quantité de projets. Selon elle, pour gérer une grande quantité de projets, il faut détenir du temps et une bonne connaissance des monuments et de leurs publics. Pour bien connaître un site patrimonial, il faut par exemple comprendre son histoire. Elle a également abordé la stratégie de standardisation des produits des entreprises. Cette stratégie est selon elle intéressante pour déployer des applications de visite. Elle a aussi rappelé que de nombreuses entreprises ont été créées avant de fermer à cause de la crise du Covid-19 contrairement à des agences plus grandes et plus anciennes. Puis, Mme Guiraud a repris la parole, et a expliqué qu’il était difficile de connaître les opérateurs dans le marché patrimonial pour plusieurs raisons :
- les agences ne proposent pas toutes les mêmes produits
- des structures appartiennent à plusieurs catégories (ex : culture et informatique)
- il existe différentes entreprises (ex : les start-ups, qui connaissent un taux d’échec plus important que les grandes entreprises, sont plus difficiles à tracer ; certaines entreprises sont plus territorialisées que d’autres, certaines agissent en France et à l’étranger, …)
- certaines entreprises sont spécialisées dans la culture et d’autres non (ex : certaines proposent des visites virtuelles de sites non culturels comme des usines).
Pour continuer, Mme Guiraud affirme que les agences adoptent des stratégies de présence dans les salons :
- certaines cherchent à influencer le secteur culturel en proposant une tendance
- des entreprises se positionnent par exemple dans des conférences au cours desquelles elles vont proposer leurs dispositifs (ici, la doctorante explique que plus un dispositif numérique est prestigieux, mieux c’est).
De plus, elle aborde la French Tech. Ici, elle analyse que des petites entreprises jouent un rôle de plus en plus important au sein de certains territoires et qu’elles ont créé des réseaux de relations (ex : certaines collaborent avec des collectivités pour mettre en place des dispositifs de médiation numériques).
Mme Labalette assure qu’il existe des outils pertinents pour toucher un jeune public et un public à distance (ex : podcasts). Puis, elle explique que les visiteurs n’ont pas tous les mêmes attentes (ex: des jeunes préfèrent utiliser des dispositifs tactiles contrairement à des visiteurs plus âgés qui veulent se déconnecter en fréquentant un site culturel). De surcroît, elle parle des visiteurs qui veulent être acteurs de leurs visites : ils veulent plus choisir les contenus visionnés au sein des institutions culturelles. Aussi, elle explique qu’il est parfois difficile de mettre en place des dispositifs de médiation employant la réalité virtuelle (ex : le matériel est cher, tous les visiteurs ne peuvent pas être équipés de casques, …). Or, dans le futur, ce genre de dispositif devra être déployé dans les sites patrimoniaux.
Pour continuer, A. Dromard affirme que les films projetés sur des murs sont appréciés par les visiteurs. Aussi, selon elle, il est important de proposer un dispositif (ex : sonore) qui fait sens. Puis, elle évoque les réflexions nées pendant la crise du Covid19 sur les dispositifs de médiation numériques (ex: les supports tactiles proposés aux visiteurs doivent être désinfectés, les outils employant la réalité augmentée posent la question de la reconnaissance des images, il faut prendre en compte la sobriété énergétique, …). Enfin, elle rappelle que les institutions culturelles ne peuvent pas proposer de nos jours uniquement des dispositifs de médiation numériques aux visiteurs, et qu’elles ne peuvent pas non plus s’en passer.
Par la suite, A. Guiraud a étudié deux discours contradictoires dans des événements différents (ex : tables rondes, salons) : l’un est axé sur le monde virtuel et l’autre sur l’écologie. Elle évoque ensuite un mouvement de professionnalisation avec la création de postes de chargé(e)s du numérique.
De surcroît, Mme Dromard remarque qu’il n’est pas possible de mettre en place des dispositifs pouvant toucher tous les publics. Il faut cependant continuer d’améliorer les dispositifs déployés au sein des sites patrimoniaux pour qu’ils soient plus inclusifs (ex : il faut prendre en compte les visiteurs en situation de handicap).
Ensuite, Mme Labalette avance qu’il est nécessaire d’observer comment les publics utilisent les outils mis à leur disposition. Il est possible de tester des outils avant de les déployer par exemple dans des musées.
Puis, Mme Dromard précise qu’un dispositif peut être évalué de différentes manières : on peut construire des questionnaires ou mener des enquêtes qualitatives (ex : en organisant des focus groupes).
Mme Labalette donne ensuite des exemples de dispositifs déployés dans des sites culturels. Dans le cadre d’une exposition sur le thème culinaire, des visiteurs devaient battre des œufs (un écran leur indiquait d’aller plus vite). Des dispositifs peuvent mobiliser les cinq sens des visiteurs (toutefois, les supports qui mobilisent le sens du toucher, en étant par exemple construit avec du tissu, doivent être entretenus).
Aussi, Mme Dromard parle du non public. Elle remarque qu’il y a quelques années, des institutions culturelles craignaient de ne pas attirer de visiteurs si elles produisaient des visites virtuelles.
Pour terminer, A. Guiraud a conclu avec les autres intervenantes que les visiteurs ne fréquentent pas des sites culturels uniquement pour les dispositifs numériques proposés, ils recherchent parfois une certaine atmosphère (ex : ils veulent s’évader). Elle s’interroge sur les origines (ex : les projets proviennent-ils d’une tendance ou des visiteurs eux-mêmes) et les financements des projets de déploiement de dispositifs de médiation numériques.
Pour citer cet article : CRETON, Caroline. 2023. Compte-rendu de la conférence « Institutions patrimoniales et entreprises du numérique : quelles collaborations ? » du 08/11/2022, Mêtis Lab, publié le 14 avril 2023, disponible sur :
metis-lab.com/2023/04/14/compte-rendu-de-la-conference-institutions-patrimoniales-et-entreprises-du-numerique-quelles-collaborations-du-08-11-2022/
Bonjour, Merci pour ce compte rendu exhaustif et plein d’intérêts pour ma profession (réalisation de visites virtuelles pouvant être guidées à distance). Toutefois, plusieurs points importants ne semblent pas avoir été pris en compte dans les échanges : 1/ Une visite virtuelle ne remplacera jamais l’émotion d’une visite physique 2/ La médiation à distance permet d’ouvrir les lieux de culture à un public mondial 3/ Les visites peuvent être payantes (le CMN en est un exemple) 3/ Le guidage à distance peut aussi permettre l’ouverture au métier de médiateur à des personnes handicapées qui peuvent guider de n’importe quel endroit connecté 4/ Les musées peuvent aussi ouvrir leur médiation à tous les guides du monde ; ils reçoivent une contrepartie financière sur chaque visite ou visiteur. 5/ L’empreinte carbone d’une visite virtuelle reste minime, Et un sujet qui me tiens à coeur : 6/ L’énorme gabegie d’argent que représentent les expositions temporaires qui pourraient continuer à se rentabiliser une fois finie grâce aux visites guidées à distance. Je continuerai à vous lire avec plaisir. Très cordialement. Thierry Guyonnet Co founder Port : 06 80 74 09 21 thierry.guyonnet@immersiv3d.fr thierry.guyonnet@immersiv3d.fr http://by.immersiv3d.fr/ by.immersiv3d.fr/ https://kimmersiv.fr/ kimmersiv.fr/ https://by.immersiv3d.fr/ https://kimmersiv.fr/
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