Compte rendu de Rencontre

Compte rendu de la conférence « Inclusion ou exclusion des publics par le numérique ? ».

Publié le 24 mars 2023

[Illustration : Gustav Klimt , Entwurf für den Theatervorhang in Reichenberg, vers 1883, Musée de Vienne, Inv.-Nr. 101784, CC BY 4.0]

Le Cornec, Mélanie

Intervenants 

  • Marie-Lorraine Charles, directrice de Loire Odyssée
  • Élodie Rougement, chef du pôle Affaire culturelles de la Communauté de Communes Océan-Marais des Monts
  • Jean-Guy Robin, Responsable scientifique et technique des sites patrimoniaux de la Communauté de Communes Océan-Marais des Monts

Les objectifs des dispositifs numériques en contexte culturel 

Après avoir évoqué les espaces d’exposition et parcours de visite, les intervenants ont présenté les dispositifs qualifiés d’inclusifs, la manière de les concevoir et les difficultés pour mener ces projets à bien. Le numérique apparaît comme une des solutions pour rendre accessible des contenus à tous les publics, qu’ils soient en situation de handicap ou non. Pour les intervenants, cette question est essentielle car travailler l’accessibilité universelle bénéficie à tous : un lieu accessible sera adapté aussi bien à la personne en fauteuil roulant, de manière momentanée ou pérenne, qu’aux parents avec une poussette double. Développer une telle politique d’accessibilité universelle garantit l’accueil de tous les publics souhaitant franchir les portes de l’espace d’exposition. L’accessibilité universelle recouvre à la fois l’accessibilité physique (seuil de porte, parking, etc.) plutôt bien réglementée et l’accessibilité intellectuelle des contenus qui doivent pouvoir être consultés par tous les publics (en situation de handicap visuel, auditif, etc.). On pressent déjà le large spectre des enjeux et questions relatifs à l’accessibilité pour les institutions culturelles. Faut-il avoir une approche différenciante selon les publics ou privilégier un dispositif universel ? Comment améliorer l’existant pour le rendre plus accessible ? Et avec qui concevoir ces dispositifs ? Voici quelques questions traitées lors du débat.

La démarche : concevoir en collaboration avec des usagers en situation de handicap

Les professionnels ont témoigné des collaborations tissées avec des associations et des usagers en situation de handicap (moteur, visuel, auditif, intellectuel) pour participer aux réflexions d’accessibilité. Ce partenariat a été mené de la conception à l’installation des dispositifs. D’après Biotopia, cette collaboration a été fructueuse et les associations ont apprécié d’avoir été sollicitées pour une approche globale plus large que les questions d’accessibilité physique du bâti. Car au-delà du cadre réglementaire, prendre en compte la valeur d’usage permet un meilleur accueil des publics. Biotopia a constitué un panel test, dédié à l’évaluation approfondie de l’ensemble du projet – c’est-à-dire le bâti mais également les dispositifs, notamment numériques – ce qui a rendu ces publics ambassadeurs du lieu. Cette politique a été couronnée par des chiffres de fréquentation significatifs de personnes en situation de handicap pour la structure. Faire appel à des associations de personnes concernées par le handicap, y compris dès l’étape d’élaboration d’un projet, incarne un gage d’efficacité.

Les possibilités offertes par le numérique

Tant sur les supports physiques que numériques, une attention particulière doit être portée à la lisibilité des contenus pour les personnes dyslexiques. Le numérique peut justement favoriser le déploiement d’outils spécifiques pour favoriser une compréhension en proposant des contenus en LSF (Langue des Signes Française) pour le handicap auditif ou le FALC (Facile à lire et à comprendre) pour le handicap intellectuel. Néanmoins, cela implique de figer une visite type alors que le médiateur adapte son commentaire à l’environnement naturel observé sur un bateau de la Maison de la Loire. Les adaptations entraînent parfois un arbitrage : ainsi, lorsque la médiation humaine s’adapte à la réalité changeante du terrain, la transcription vidéo pour les personnes sourdes ou malentendantes reste celle d’une visite-type. Les possibilités du numérique permettent l’allègement du contenu textuel, ce que les enfants notamment apprécient. Grâce au numérique, il est plus aisé de proposer des contenus multilingues, qui peuvent, au lieu d’allonger l’espace physique dédié à l’écrit en s’ajoutant à la langue principale, être disponibles sur un support numérique.

Les professionnels du secteur culturel et l’accessibilité

Il apparaît que les prestataires extérieurs manquent bien souvent d’expertise et de considération sur la question de l’accessibilité. La vigilance est donc de mise tout au long du processus, et notamment lors de l’installation. Par ailleurs, l’évaluation des dispositifs numériques en est souvent à ses balbutiements. Si dans une politique d’accessibilité peut être décrite dans le Projet Scientifique et Culturel (PSC), elle fait rarement l’objet d’une évaluation, l’obligation de moyens semble prévaloir sur l’obligation de résultat, y compris pour les dispositifs numériques. En revanche, l’efficacité des actions tient à cœur les professionnels en interne, qui mènent leur propre évaluation. Être formé aux enjeux spécifiques l’accessibilité et du handicap est apprécié par les professionnels car cela mobilise des connaissances et des compétences qualifiées et évolutives. Au sein d’une équipe, la présence d’un référent accessibilité et handicap formé, comme d’un référent des dispositifs numériques, s’avère utile à la gestion et à l’amélioration des dispositifs.

Intérêts et limites du numérique

En parallèle des enjeux concernant l’accessibilité, la rencontre a donné lieu à une réflexion sur les avantages et inconvénients des dispositifs numériques à Biotopia et à la Maison de la Loire. Selon l’expérience de ces professionnels, le numérique répond à une demande des publics, en particulier des enfants et des adolescents. Un seuil minimal de dispositifs numériques interactifs, qui servent de trame au parcours, semble être requis pour leur plaire. Pour un public rétif à la lecture ou à la médiation humaine, le numérique peut agir comme un point d’entrée dans le parcours de visite. Chez Biotopia, le numérique est perçu comme vecteur d’une meilleure compréhension et assimilation des concepts quand il rend intelligible l’infiniment petit et l’infiniment grand ainsi que, par exemple, une biodiversité « non spectaculaire ». Ces technologies permettent par ailleurs de mettre à jour aisément le contenu scientifique pour transmettre les dernières avancées académiques. Enfin, grâce à des applications numériques, il est possible de développer de la médiation en extérieur sans laisser de mobilier fixe, problématique dans un espace naturel protégé.

Toutefois, la réussite d’un parcours de visite résulte généralement de l’hybridation de plusieurs solutions, pas nécessairement numériques. Trop de numérique apparaît délétère et les publics montrent un attachement aux objets tangibles, à la médiation humaine et à la déconnexion. Les dispositifs mécaniques et/ou basés sur les sens ne sont pas antinomiques au numérique et sont appréciés. Enfin, le numérique comporte certaines limites. Les professionnels se heurtent aux contraintes financières puisque le coût des dispositifs numériques est non négligeable. La gestion de l’obsolescence – technique et liée à la rapidité d’évolution du secteur – et des problèmes techniques représentent un frein. La rédaction du cahier des charges, déterminante, demande un vrai savoir-faire et une capacité de projection avec, en cas d’erreur ou d’oubli, un impact sur le long terme. De plus, les défaillances technologiques peuvent mettre en défaut les publics en contexte social et entraîner un sentiment de frustration. Par nature, l’individu n’est pas chez lui dans l’espace visité, il a besoin de repères. La mise en place du numérique nécessite donc des choix stratégiques tels que celui de privilégier des dispositifs utilisables en groupe et non seulement en individuel. Le fond doit primer sur la forme en se prémunissant d’un « effet Waouh » et en veillant à l’exactitude des contenus.

Je remercie Caroline Creton et Manuelle Aquilina pour la relecture attentive des comptes-rendus.

Pour citer cet article : LE CORNEC, Mélanie. 2023. Compte rendu de la conférence « Inclusion ou exclusion des publics par le numérique ? »., Metis Lab, publié le 24 mars 2023. Disponible sur :
metis-lab.com/2023/03/24/compte-rendu-de-la-conference-inclusion-ou-exclusion-des-publics-par-le-numerique/

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