[ Illustration : Shen Zou, Clouds over the River before Rain 溪雲欲雨圖卷, 1504, Chicago, Art Institute, Collection en ligne ]
Publié le 16 décembre 2021
Ce dossier se propose de rendre compte des réflexions émises lors des journées d’étude organisées par le Centre Norbert Elias et par la revue Culture & Musées au MuCEM. Élaborées dans le cadre des 30 ans de la revue et de la préparation d’un numéro spécial anniversaire, ces deux journées d’études visent à ouvrir le dialogue autour de la question de l’avenir des institutions muséales. Secoués par la crise sanitaire, les avancées sociales ou bien l’évolution de la consommation culturelle, les musées vivent actuellement un tournant important. Ces journées réunissent alors plus d’une trentaine de chercheurs de disciplines et de nationalités différentes ainsi que plusieurs professionnels de la culture, français comme étrangers. Retrouvez le programme des journées sur ce lien. Retrouvez nos autres comptes rendus :
Isabelle Brianso et Marie-Charlotte Calafat, respectivement maîtresse de conférence à Avignon Université et responsable du département des collections et des ressources documentaires, introduisent ces journées organisé au Mucem, sur le thème « voir le musée autrement : le champ des possibles ».
Elles insistent sur l’intérêt de s’interroger aujourd’hui collectivement sur l’avenir des musées dans les vingt ou trente prochaines années, à travers différents prismes thématiques. C’est ce que s’attacheront à faire tous les intervenants lors de ces deux journées, qui donneront lieu à un numéro spécial de la revue Culture et Musée, qui s’intitulera : « La muséologie : 30 ans de recherche ». Elles laissent ensuite la parole à François Mairesse.
Conférence introductive de François Mairesse : comment les musées et la muséologie pourraient-ils évoluer ?
François Mairesse commence par rappeler quelques éléments de contexte, à prendre en compte pour penser le futur des musées. Il rappelle tout d’abord le débat ayant eu lieu lors de la 25è conférence générale de l’Icom en 2019, qu’il nomme « bataille » de Kyoto et qui a conduit à une réflexion sur une nouvelle définition, le tout dans une ambiance qualifiée d’électrique. De plus, tout cela s’inscrit aussi dans un contexte plus large, celui de la crise sanitaire de la Covid-19 qui selon François Mairesse façonnera, mais pour combien de temps encore ?, nos usages des musées.
Ce contexte va indéniablement conditionner les évolutions des années futures, et une des évolutions majeures sera celle du nombre des musées. François Mairesse se base sur un recensement effectué par l’Unesco pour affirmer qu’aujourd’hui il existe environ 100 000 musées dans le monde. Mais la concentration muséale est avant tout liée au contexte occidental (Europe, Amérique du Nord), où la densité muséale est plus forte, et où aussi se concentrent les « méga-musées ». La répartition des formations muséales est d’ailleurs similaire, comme le montre une récente recherche menée par Audrey Doyen et François Mairesse. L’influence de l’Amérique et plus largement du monde anglosaxon sur le champ muséal se perçoit dans cette répartition et surtout de cette concentration des formations. Cette répartition n’est pas sans incidence sur les définitions du musée, qui sont très liées à leur lieu d’origine. Par exemple, on constate un lien très fort entre la perception sociale du musée et les propositions de définitions provenant d’Amérique latine.
Cet attrait pour la dimension sociale du musée se traduit par une augmentation de publications qui lui sont liées, depuis les années 2007 / 2008. Mais François Mairesse rappelle que le lien avec le social est en réalité très ancien, puisqu’il est inhérent à la définition même de la nouvelle muséologie, et s’incarne dans des projets comme celui de l’écomusée du Creusot dans les années 1970.
Cela amène François Mairesse à évoquer l’idée d’un cycle social du musée. Si aujourd’hui les liens entre musée et social sont de plus en plus importants ils vont peut-être, à un moment, diminuer, au profit d’autres tendances et d’autres éléments. Car pour François Mairesse, le musée est le témoin d’autres combats à mener. Il cite en exemple les combats en lien avec les changements climatiques, les enjeux environnementaux, et plus globalement autour de questions de bien-être planétaire. La question économique est quant à elle absente des débats, comme s’il n’y avait plus lieu de l’interroger tant le musée est ancré dans les logiques capitalistes contemporaines.
Pour conclure, François Mairesse avance l’hypothèse de la possibilité d’un avenir pour le moins apocalyptique pour les musées ; pour lui, la transformation importante de la répartition des richesses, et donc des équilibres généraux à travers le monde, entraîne une transformation des visions du monde. Alors, l’idée même du musée est amenée à être conditionnée par ces différentes visions du monde.
Un jour ou l’autre les musées, comme la Joconde disparaîtront. Un jour ou l’autre, les musées seront en ruines. Mais comme les ruines des temples romains, nous pourrons peut-être toujours en visiter certaines.
Pour citer cet article : LEBAT, Cindy. 2021. « Voir le musée autrement »- Conférence introductive de François Mairesse., Metis Lab, publié le 16 décembre 2021. Disponible sur :
metis-lab.com/2021/12/16/voir-le-musee-autrement-conference-introductive-de-francois-mairesse/
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