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L’essor des créateurs de contenus culturels sur les réseaux sociaux.

[ Illustration : Anonyme, 17 MISSISSIPPI BAY, YOKOHAMA, 4e quart du XIXe siècle, Chalon-sur-Saône, Musée Nicéphore Niepce, Open Collection]

Ballarini, Marie

L’essor des créateurs de contenus culturels sur les réseaux sociaux bouleverse progressivement l’écosystème de la médiation en histoire et histoire de l’art francophone. Quelle que soit la plateforme ou le format, des lives Twitch, vidéos YouTube ou Tiktok, des podcasts, des stories et post Instagram ou Facebook, des blogs ou des tweets, ces contenus, produits par des créateurs indépendants d’institutions culturelles ont modifié le paysage médiatique du secteur muséal.  Cette nouvelle activité, qui regroupe des individus aux profils et aux motivations très variés, est devenue un acteur incontournable de la communication culturelle. Les institutions ont compris l’importance de ces créateurs pour toucher de nouveaux publics et développer leur visibilité sur les réseaux sociaux. Les publics, quant à eux, sont de plus en plus nombreux à suivre ces comptes pour s’informer et s’instruire sur des sujets culturels. 

Dans cette enquête, menée grâce au soutien de la BnF et du LabEx ICCA, j’ai souhaité étudier l’impact des créateurs de contenus culturels sur l’écosystème de la médiation en histoire et histoire de l’art francophone. Pour cela, nous avons croisé les données issues de 25 entretiens auprès de ces producteurs indépendants, 25 acteurs du secteur muséal et patrimonial (institutions, agences de communication spécialisées et agences de développement touristique territoriales), l’analyse du réseau de 80 créateurs sur Instagram, composé de 1,2 million de comptes et la collecte de plus de 4 000 réponses à un questionnaire en ligne auprès des publics, complétés de 15 entretiens auprès d’une sélection. 

Les créateurs de contenus culturels ont des profils très variés. Certains sont des passionnés qui partagent leur savoir pour le plaisir, d’autres des professionnels qui ont fait de cette activité leur métier. Ils ont en commun de proposer du contenu culturel sur les médias sociaux. Ils se distinguent cependant des autres créateurs de contenus par leur spécialisation dans des thématiques culturelles comme l’histoire, l’histoire de l’art ou le patrimoine. Ils ont également la particularité de peu mettre en avant leur vie personnelle et de réaliser peu de placements de produits non culturels. En explorant les profils de créateurs de contenus culturels, j’ai constaté qu’il existe une grande variété de profils et de motivations parmi eux. Certains sont des historiens de l’art ou des conservateurs de musées qui ont choisi de partager leur passion et leurs connaissances avec le grand public, tandis que d’autres sont des journalistes spécialisés qui se sont intéressés à la culture et à l’histoire. D’autres encore sont des passionnés autodidactes qui ont développé des compétences en matière de production de contenu numérique et ont créé leur propre marque personnelle. 

J’ai également observé que les créateurs de contenus culturels sont généralement très engagés dans leur travail et ont une forte motivation intrinsèque. Ils sont passionnés par leur sujet et sont motivés par le désir de partager leur passion avec les autres. La majorité ont commencé à publier sans chercher à en faire une activité professionnelle, une poignée seulement en vit aujourd’hui à temps plein.  

Les institutions ont bien compris le rôle que peuvent jouer ces individus et font appel à eux pour toucher différemment des publics précisément ciblés. Des objectifs de médiation et de communication s’entremêlent et se cumulent et impliquent la participation des équipes de médiation ou de production du savoir et des équipes de communication. Une large variété de partenariats, rémunérés ou non, semble se stabiliser progressivement, parmi lesquels les plus courants sont les visites « influenceur » et les commandes de contenus sponsorisés. Les institutions cherchent ainsi à développer leur visibilité sur les réseaux sociaux et toucher de nouveaux publics, tout en bénéficiant de l’expertise des créateurs de contenus culturels pour enrichir leur médiation et trouver des angles neufs pour mettre en valeur leurs collections. Les institutions muséales et patrimoniales sont particulièrement intéressées par ces collaborations, car elles leur permettent de toucher des publics plus jeunes et plus connectés, qui sont souvent difficiles à atteindre par d’autres moyens. Les collaborations peuvent prendre différentes formes, comme des visites privées pour les influenceurs, des projets de co-création de contenu ou encore des commandes de contenus sponsorisés. 

Les publics, nombreux et prédisposés à consommer des biens culturels, en particulier muséaux ou patrimoniaux, sont principalement motivés par un désir d’apprendre en se divertissant. Ils choisissent les comptes qu’ils suivent en fonction du ton et des thèmes abordés par les créateurs. Ces consommations ont un impact certain sur le reste de leurs consommations culturelles. 

Ces consommations ont un impact sur les autres consommations culturelles des publics. Les créateurs de contenus culturels sont souvent une source de recommandations pour les sites et les expositions à voir. Ils encouragent à la découverte et sont perçus par les publics comme des proches de confiance, a contrario des médias traditionnels. Ils sont également une source de préparation pour les visites de musées ou de sites patrimoniaux, le regard des visiteurs s’aiguise à chaque critique d’exposition consommée. Les publics qui suivent des créateurs de contenus culturels sont souvent des consommateurs culturels très actifs et sont susceptibles de partager leur intérêt pour les sujets culturels avec leur entourage. 

En conclusion, cette enquête montre que les créateurs de contenus culturels ont un impact important sur l’écosystème de la médiation en histoire et en histoire de l’art francophone. Ils permettent aux institutions culturelles de toucher de nouveaux publics et de promouvoir leurs activités de manière innovante. Les publics qui consomment du contenu culturel en ligne sont très engagés et actifs, et leur impact s’étend bien au-delà de leur consommation en ligne. Les créateurs de contenus culturels sont des acteurs clés de la médiation culturelle contemporaine et leur rôle ne cesse de croître avec l’évolution des technologies et des habitudes de consommation. 

Vous pouvez trouvez le rapport en entier ici.

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